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Photo du rédacteurDOMINIQUE LEGRAND

Apollinaire et Dufy à Aix-en-Provence

Dernière mise à jour : 14 sept. 2022


Pour faire rimer vacances et culture sur les traces de Guillaume Apollinaire, arrêtons-nous à Aix-en-Provence où l’Hôtel de Caumont met à l’honneur le peintre originaire du Havre, Raoul Dufy (1877-1953). Et donc Guillaume Apollinaire puisque le poète commandita au peintre qui accompagna les avant-gardes parisiennes du début du XXe siècle, la prodigieuse série des bois gravés destinés au Bestiaire ou cortège d’Orphée, son premier recueil de poèmes publié en 1911.


Erigé en 1715, l’Hôtel de Caumont est une prestigieuse demeure du patrimoine aixois. Métamorphosé en Centre d’Art depuis 2015, l’hôtel particulier du quartier Mazarin accueille l’exposition Raoul Dufy, l’ivresse de la couleur, exposition retraçant l’ensemble de la carrière du peintre de La Fée Electricité.
Derrière le classicisme des façades couleur sable, il faut s’attacher à la virtuosité de la recherche de Dufy le coloriste au fil de ses motifs de prédilection: les baigneuses, les fêtes nautiques, les paysages côtiers, les bateaux. Enclin au dessin vif et rapide, Dufy y explore avant tout les ressources de l’œuvre de Cézanne : alors que l’impressionnisme ne voit que le factice dans la forme, Cézanne (le maître d’Aix) y perçoit l’essentiel, l’énergie, les puissances derrière l’illusoire immobilité des choses. De quoi séduire le peintre de la joie de vivre.


C’est le chemin pictural à accomplir pour rejoindre les illustrations que Dufy réalisa à partir de 1907 pour les romans et recueils de poèmes de célèbres écrivains de son époque : Pour un herbier de Colette, Les nourritures terrestres d’André Gide, Vacances forcées de Roland Dorgelès, Poèmes légendaires de France et de Brabant d’Emile Verhaeren et bien sûr Le Bestiaire de Guillaume Apollinaire, commande d'un livre d'art et d'artistes refusée préalablement par Pablo Picasso.

Raoul Dufy, La pêche, 1910. Gravure sur bois.

Le noir, pigment de l’éblouissement
Complémentaires à son activité de peintre, les illustrations conçues pour Le Bestiaire ou cortège d’Orphée (1910-1911) constituent un contrepoint : « Pour la première fois, il applique du noir, selon lui le pigment de l’éblouissement », indique Sophie Krebs, commissaire de l’exposition. Alors que Dufy est peu connu en 1909, Guillaume Apollinaire fait appel à lui pour illustrer un bestiaire. Ce long travail de gravure sur bois va ouvrir au peintre «la porte d’entrée dans le monde de l’art décoratif ».
La technique de gravure sur bois le pousse à abandonner la touche directionnelle pour laisser place à de grands aplats qui constituent le signe de la modernité dans l’épanouissement de la courbe et de l’arabesque. Son évidente volonté de remplir le cadre, à la manière des miniatures médiévales et des sculptures romanes, affirme sa position de faire de cette technique un art qui laisse peu de place aux nuances dans « un inlassable éclatement de la lumière ». Cette rigueur d’un Fauvisme en noir et blanc est magnifiquement tempérée par divers aspects ornementaux, la variété du graphisme et le jeu des contrastes rectilignes inscrit dans les arabesques décoratives.
Pour réaliser l’illustration de ce recueil collaboratif de 30 courts poèmes (quatrains, quintils, sizains dont quinze avaient été publiés en 1908 dans La Phalange), Raoul Dufy et Apollinaire trouvèrent l’éditeur idéal en Deplanche; Gauthier-Villars fut choisi pour l’impression sur presse à bras, technique lente mais précise. Dufy surveilla l’impression de la première à la dernière feuille de ce livre en grand in-4° de 33 centimètres x 25 centimètres fruit d’une étroite collaboration entre le peintre et le poète, ce dernier étant intervenu jusque dans la composition des bois travaillés à la gouge et au canif, ces emblèmes animaliers comme autant de signes référents à l'humain, tous empreints d’imagerie populaire médiévale et d’une inspiration fauviste Art déco. Ainsi, dans une lettre à Dufy datée du 20 août 1910, Apollinaire indique-t-il ses desiderata pour Le paon : « L’image doit donc représenter un paon vu par derrière et laissant traîner sa queue, vous pouvez en second plan en mettre un, rouant si vous voulez, mais il en faut un, le principal, qui ait la queue traînante. »
Dont voici le quatrain :

En faisant la roue cet oiseau
Dont le pennage traîne à terre,
Apparaît encore plus beau,
Mais se découvre le derrière

Dominique Legrand


Raoul Dufy, Le Paon. Gravure sur bois pour Le Bestiaire ou cortège d'Orphée.


Exposition L’ivresse de la couleur, Hôtel de Caumont – Centre d’Art, 3 rue Joseph Cabassol, Aix-en-Provence.Tous les jours jusqu’au 18 septembre 2022. https://www.caumont-centredart.com/fr/raoul-dufy

Et pour en savoir davantage sur Le Bestiaire, une analyse de Claude Debon: https://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/apollinaire/apollinaire_bestiaire



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