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Photo du rédacteurDOMINIQUE LEGRAND

"Petites merveilles de la Guerre" resurgit chez Christie's

Dernière mise à jour : 23 sept. 2019


Lot surprenant de la collection Alfred Cortot majoritairement dédiée à la musique, Petites merveilles de la Guerre constitue une chronique du front regorgeant de textes et de fragments qui, s’ils ne feront jamais l’objet d’une publication propre, se retrouvent dans différents textes du poète.

Mémoires de Champagne en 1915, ce sont 67 feuillets dont une dizaine entièrement ou partiellement autographes, -le reste tapuscrit avec d'abondantes corrections autographes, feuillets brunis ou salis, marges effrangées, marques de papier collant ancien, petites déchirures marginales-, qui réapparaissent à l’encan le 7 octobre à Paris, sous le marteau des commissaires-priseurs Camille de Foresta et Victoire Gineste chez Christie’s.

Petites merveilles de la Guerre (lot 1, format 285 x 210 mm, estimation 4.000-5.000 euros) regorge de textes et de fragments qui, s’ils ne feront jamais l’objet d’une publication propre, se retrouvent dans différents textes du poète ainsi que partiellement publiée à titre posthume en 1926 dans le recueil Anecdotiques, chez Stock.

L’opus est divisé en chapitres comme "Contribution à l'étude du Folklore et des superstitions du front"; "Voyage du permissionnaire avec une contribution à l'étude du folklore de guerre de l'arrière et quelques prophéties touchant la fin de la guerre"; "Les agréments de la guerre au printemps de 1915"; "Le sang noir des pavots". Apollinaire y aborde la mobilisation, la superstition des combattants, la misère sexuelle sur le front, l'importance du vin et du tabac et, lorsqu'il est en permission, les planqués, les enrichis de la guerre, l'obsession des espions allemands ou les fantasmes germanophobes, et même la révolution sociale provoquée par la guerre comme les revendications féministes et le rôle primordial pris par les femmes dans l'effort. Le texte sera repris dans plusieurs textes du poète comme La Dame (Femme) blanche des Hohenzollern (roman); La Femme assise (roman); Trains de guerre (conte); Traitement tyrhoïdien (conte).

Ce manuscrit-tapuscrit autographe signé ouvre la vente de la Collection Alfred Cortot (pianiste né le 26 septembre 1877 à Nyon, Suisse, et mort le 15 juin 1962, Lausanne). L'ensemble demeuré confidentiel était jusqu'ici conservé dans l’appartement parisien du peintre Jean Cortot. Décédé le 28 décembre 2018, ce dernier avait signé la volonté testamentaire de rendre hommage à son père par une vente aux enchères. La voici et on y découvre des tableaux, des lettres, des manuscrits, des autographes reflétant l’univers du compositeur et rêveur solitaire, dandy au profil de Chopin, romantique égaré au vingtième siècle, fou de littérature, amoureux de la musique des mots et des mots des musiciens pour lequel Stefan Zweig écrivit : "Quand les mains de Cortot n'existeront plus, Chopin mourra une seconde fois. C'est le seul qui arrive à exprimer la tendresse dans la grandeur".

Pourquoi les feuillets des Petites merveilles de la Guerre figurent-ils parmi ces autres merveilles, portraits de musiciens dont celui de Mozart universellement célèbre, incunables, manuscrits de Proust, mais aussi des dessins de Victor Hugo (la cathédrale de Reims) ou un petit carnet de jeunesse d’Eugène Delacroix, sans oublier une vingtaine de lettres, manuscrits, éditions originales et portraits de Baudelaire dont deux gravés par Manet ?

"Autographe est un terme toujours ambigu : pour certains collectionneurs c’est la relique qui compte, la rareté, pour d’autres la valeur historique du document, parfois inédit, commente l’historien de l’art et écrivain français Adrien Goetz qui préface le catalogue de la vente. Dans la collection d’Alfred Cortot figure ainsi à côté d’un manuscrit d’Emmanuel Kant qui semble être un talisman, ce long tapuscrit corrigé, annoté et transformé où Apollinaire raconte sa guerre. Ces deux documents si divers, dans leur aspect et dans leur sens, suffisent à prouver que le mot autographe prend des formes très variées."

La vente Cortot comprend également des lettres autographes de Francis Poulenc (1899-1963). Le 30 avril 1919, Poulenc cherche appui auprès d'Alfred Cortot et aborde la représentation de ses Mouvements Perpétuels par Ricardo Vines ainsi que Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée de Guillaume Apollinaire.

Si le nom du pianiste français Alfred Cortot est indissociable de celui de Chopin, on lui a beaucoup reproché son attitude pendant l'Occupation. Bien que peu intéressé aux questions politiques et tout entier focalisé sur son art et sur le rayonnement de la musique française, il accepta de travailler pour le gouvernement de Vichy à un projet d’organisation de la vie musicale, et répondit à l’invitation de Fürtwangler d’aller jouer en Allemagne en 1942. Interdit de jouer après la Libération, il est réhabilité en 1949, l'année du centenaire de la mort de son cher Chopin.

Dominique Legrand

Collection Alfred Cortot, vente 18565 le 7 octobre 2019, Christie's 9 avenue de Matignon, 75008 Paris. www.christies.com









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